jeudi 4 décembre 2014

Témoignage d'un professeur indépendant !

La réforme qui nous démange...

Eric, professeur indépendant 
de guitare et de basse témoigne...

J'ai 41 ans et suis actuellement professeur indépendant de Guitare et de Basse. Je suis aussi père de deux enfants dont l'un est handicapé (dysphasique). Après mes études, j'ai fait le choix de faire mon service national en tant qu'objecteur de conscience. 
Je me suis retrouvé sans aucune formation animateur prévention jeunesse dans un quartier dit difficile. Cela m'a permis d'avoir une expérience de terrain concernant les "politiques" de prévention de la jeunesse. Je me suis vite aperçu que la MJC qui m'employait n'avait que faire de la prévention jeunesse ou de l'éducation populaire. Il s'agissait essentiellement de justifier les subventions et autres octrois de salles.
Après avoir enseigné la musique dans plusieurs associations, je me suis vite rendu compte là encore qu'il s'agissait bien moins d'une volonté d'éducation populaire que de rajouter une activité supplémentaire au catalogue afin de justifier les demandes de subvention.
J'ai donc décidé de m'installer en tant que professeur indépendant de guitare et de basse. Cette indépendance me permet une grande liberté pédagogique mais m'isole du système "socio-culturel" traditionnel.
Cette réforme des rythme scolaire me dérange à plusieurs niveaux
Ne pouvant être exhaustif sur tous les aspects néfastes de cette réforme, je vais essayer d'en développer certains :
  • Le TAP est un temps d'accueil périscolaire et non d'activité périscolaire.
Le mot activité ne signifie absolument rien. Il est pourtant utilisé sans arrêt. Même la ministre de l'Education Nationale réclame "des activités de qualité" pour les TAP. Double paradoxe : non seulement elle ne donne aucune définition précise d'une activité de qualité mais surtout, son ministère a fait le choix de ne pas prendre à sa charge les TAP, laissant ainsi à la charge des communes le soin de définir l'indéfinissable.
Je suis professeur de guitare et de basse et donc un enseignant culturel. En aucun cas je ne suis un animateur. Le Savoir que je transmets à mes élèves va bien au delà de ce que certains appellent la "consommation d'une activité extra-scolaire". J'ai un contrat moral avec mes élèves et leur parents . Tout cela doit avoir du sens. Mes élèves ne sont pas consommateurs d'activité. Je les aide a devenir acteur de leur art (et donc aussi de leur vie).
  • Le TAP, c'est exactement le contraire de ce que je viens d'évoquer
Il s'agit d'animations pour occuper un temps vacant. Lorsqu'un parent fait la démarche de conduire son enfant à un cours de musique, il choisi la structure, il adhère à la pédagogie de l'enseignant. Lorsqu'un enfant participe à un TAP il n'a pas le choix. Il n'a qu'une illusion de choix entre tennis de table animé par un jeune BAFA, Basket animé par le même jeune BAFA, ou bien animation musicale fait par une ATSEM qui propose cette activité (car elle sait jouer Santiano à la guitare) ! Tout cela n'est pas sérieux !
Concrètement, cette réforme c'est pour moi, des élèves en moins le mardi soir, le mercredi et le jeudi soir. Outre la baisse de mon chiffre d'affaire, une conséquence encore plus dommageable est la fatigue des élèves donc une nécessité d'alléger le contenu de mes cours !
Contrairement à ce qui est souvent écrit, je ne pense pas que cette réforme soit mal fichue :
Si l'objectif est de faire baisser le niveau culturel d'une population
afin que l'école ne serve plus qu'a préparer des jeunes à un emploi.

Si l'on considère que l'éducation populaire, la culture, l'éducation à la citoyenneté 
sont des choses dangereuses pour le pouvoir en place.
....

Alors je pense que, de ce point de vue, cette réforme est une franche réussite.
Ils ont réussi leur objectif.
L'enseignement extra-scolaire n’existera bientôt plus. Nous sommes les derniers des Mohicans !
  • Cette réforme c'est aussi un énorme recul vis à vis de la loi de 2005 concernant le handicap.
Par définition le TAP ce n'est pas de l'école, donc pas d'AVS ! Mon fils est dysphasique et bègue. Il l'est 24h/24. Sa difficulté à communiquer oralement ne s’arrête pas à la sortie de l'école. Les animateurs ne participent pas aux réunions d'équipe éducative. Ils n'ont aucune idée de la nature ni de l'intensité de son handicap. C'est ce que l'OMS définit comme de la maltraitance passive.
Voilà, je m’arrête là même s'il y aurait encore beaucoup à dire.
Merci à Eric

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